En mai 2025, plusieurs États possèdent officiellement ou indirectement des réserves significatives en Bitcoin. Ces acquisitions ne relèvent plus d’actes isolés mais d’une logique stratégique, comparable à la détention d’or.
Réserves d’États, le Bitcoin souverain
Le premier détenteur souverain reste les États-Unis, avec environ 215 000 BTC.
Cette réserve provient majoritairement de saisies judiciaires, notamment celles liées à Silk Road ou à des réseaux de cybercriminalité. Le Department of Justice gère ces avoirs via des ventes périodiques ou un stockage prolongé en « cold wallets » fédéraux.
La Chine suit avec environ 194 000 BTC
En l’occurrence, issus également de confiscations lors de campagnes contre les plateformes illégales de trading. Même si le gouvernement interdit officiellement les échanges de crypto-actifs, ces avoirs restent conservés, probablement dans une perspective de long terme. La Chine explore par ailleurs l’émission de stablecoins adossés à ses réserves.
D’autres État émergent avec des approches plus proactives.
Le Bhoutan, à travers son fonds souverain Druk Holding & Investments, a miné ou acquis discrètement plus de 10 000 BTC, utilisant l’énergie hydroélectrique excédentaire. Le Venezuela aurait accumulé jusqu’à 5 000 BTC, essentiellement via le minage contrôlé par l’État, bien que les chiffres exacts soient sujets à caution.
Le Salvador, pionnier en la matière, détient désormais 5 750 BTC, en hausse après avoir lancé un programme d’obligations Bitcoin. Son président vante cette politique comme un modèle post-dollar pour les petits États.
La Géorgie et le Kazakhstan, hubs du minage industriel, détiennent également des quantités non négligeables, parfois via des partenariats public-privé.
Des motivations géopolitiques et financières divergentes
Ces États ne publient pas toujours leurs réserves, mais les données de la blockchain permettent certaines estimations.
Les États stockent du Bitcoin pour plusieurs raisons.
D’abord comme réserve alternative face à un système monétaire dominé par le dollar. Ensuite comme protection contre l’inflation ou les sanctions internationales. Enfin, certains y voient un levier diplomatique futur, via des règlements bilatéraux en crypto-actifs.
Le contexte géopolitique tendu accélère cette tendance. La guerre économique sino-américaine, la montée des BRICS et l’érosion de la confiance dans les bons du Trésor incitent certains États à diversifier leurs actifs stratégiques.
Comme les États, les fonds institutionnels renforcent leur exposition au Bitcoin
Au-delà des États, les fonds souverains, fonds d’investissement et gestionnaires d’actifs détiennent de plus en plus de BTC. Le mouvement s’est accéléré depuis l’approbation des ETF Bitcoin spot aux États-Unis début 2024.
BlackRock détient à travers son iShares Bitcoin Trust plus de 280 000 BTC, soit environ 1,3 % de l’offre totale. Fidelity, ARK Invest et Grayscale (transformé en ETF) gèrent aussi des portefeuilles massifs.
Les fonds souverains du Moyen-Orient, comme ceux des Émirats arabes unis, testent des positions indirectes via des entreprises exposées au BTC (MicroStrategy, Coinbase), ou en investissant dans des infrastructures blockchain.
Le fonds de pension norvégien (GPFG), bien que très prudent, détient indirectement du Bitcoin à travers ses participations dans des entreprises cotées. La tendance est similaire en Corée du Sud ou au Canada.
Extrapolations possibles à court et moyen terme
En prolongeant les tendances actuelles, on peut envisager plusieurs scénarios. D’abord, une accélération de la tokenisation des réserves : des États pourraient lancer des stablecoins garantis par du BTC. Ensuite, une balkanisation financière où certains pays se regroupent autour d’actifs numériques pour échapper à SWIFT ou aux régulations occidentales.
Enfin, un enjeu clé : la gouvernance de la blockchain. Si des États accumulent de grandes quantités de BTC, ils peuvent théoriquement influencer les consensus via des acteurs majeurs du minage ou du développement logiciel.
Voir aussi: Bitcoin pourrait-il devenir le nouvel étalon de référence mondial?
Le Bitcoin devient alors un actif géopolitique à part entière, et non plus un simple véhicule spéculatif. Sa détention reflète désormais une souveraineté monétaire numérique, encore embryonnaire mais en expansion rapide.